Les adieux du Venusia

 

"Les départs devraient être soudains". Benjamin Disraeli

Ces derniers jours, j'ai appris une nouvelle qui m'a surprise, puis peinée. En effet, le plus célèbre bordel genevois met la clé sous la porte. Pourquoi surprise tout d'abord? Et bien, parce qu'à mes yeux, c'était une institution, et qu'il est toujours surprenant lorsqu'on voit un monstre sacré tirer sa révérence. 

Puis, j'ai eu aussi de la peine, car, même si je n'ai jamais vendu mes charmes au sein de ce lieu, il faisait un peu parti du décor. Je me souviens encore lorsque Madame Lisa intervenait sur le forum suisse avec des propos fort intéressants, et même si je n'ai pas toujours été d'accord, ils me permettaient de me questionner sur cette activité qui nous fut commune. 

Sachez que j'ai quelques connaissances qui y ont été pour travailler, et même si à un moment donné, travailler en maison ne leur a pas ou plus convenu, je n'en connais aucune qui n'a eu à se plaindre d'avoir été forcée en quoi que ce soit, même si ça en bouche un coin aux abolitionnistes, elles s'y sont rendues de leur plein gré. 

Alors oui, selon la loi française, Lisa était une proxénète, mais ça tombe bien, car cet endroit ne se trouvait pas sur notre sol. Et moralement? Je suis désolée, mais quand personne n'est forcé, et que le contrat est clair dès le départ, il ne devrait même pas y avoir débat. Pourtant débat il y eut...

Il revient à ma mémoire aussi lorsqu'elle avait fait paraitre son livre et qu'elle avait été invitée dans l'émission de Ruquier, et que Isabelle Alonso et Natasha Polony s'étaient jeté sur elle comme la misère sur le Sahel. Tellement facile de juger ce que l'on ne connait qu'à travers le prisme de ses idéaux bien pensants, mais surtout, tellement aisé que de mettre à mal une personne qui n'a pas l'habitude des plateaux TV, tandis que c'est leur métier à toutes deux! 

J'ai aussi le souvenir des publicités de ce salon érotique, comme on dit en Suisse, qui faisaient du bruit à chaque fois qu'une nouvelle affiche était édité. Elle réussissait à créer le buzz, comme on dit désormais, et ce, avant l'avènement des réseaux sociaux. Que l'on apprécie ou non le fond, cela faisait mouche à chaque fois. 

Après avoir lu sur le forum suisse l'annonce de son arrêt d'activité, il ne m'a pas échappé que la fin de sa maison faisait suite à des loyers trop importants qui mangeaient substantiellement le chiffre d'affaire. Et cela m'effraie. Vous savez pourquoi? Il y a, en ce moment, en France aussi, beaucoup d'entrepreneurs qui sont en train de se bouffer les couilles car ils ne s'en sortent plus, en tout cas pas convenablement. J'ai trouvé une citation sur internet il y a peu: "L'entrepreneur est cette personne qui saute d'une falaise, et construit un avion au cours de sa chute", Reid Hoffman, homme d'affaire américain. Seulement, avec l'économie actuelle qui est totalement délétère, non seulement dans notre pays, mais aussi au niveau mondial, je crains fort que les chefs d'entreprise n'aient plus le métal pour le construire, l'avion! 

Pour en revenir à ma petite personne, j'arrive à m'en sortir, car, d'une part, l'escorting n'est pas seule activité, et de deux, je limite les frais de fonctionnement, notamment en ne recevant pas (c'est une des nombreuses raisons), et donc en m'épargnant justement un loyer qui viendrait grandement amputer ma trésorerie. 

Mais cela réjouit peut être certains ingénus que de voir que le cul se casse la gueule, mais sachez que, si même cette industrie est en train de se vautrer, vous pouvez imaginer ce qu'il en est dans d'autres pôles économiques, et non, ça n'arrangera en rien vos petites affaires, quand vous vous retrouverez au chômage ou en faillite. "Ouin, mais il faut baisser les prix!". Oui... Quand les frais divers baisseront, notamment l'imposition, et, pour ma part... Quand les poules auront des dents, donc pas demain!

Sinon, pour en revenir au coeur du sujet, j'avais aussi pu lire son livre, qui m'avait touché, notamment quand elle explique comment elle a commencé, en n'exprimant à aucun moment ce misérabilisme que l'on peut retrouver chez les abolitionnistes, mais en nous partageant le sentiment d'impuissance quand une mère de famille se retrouve désargentée. Mais, de ce moment de faiblesse, elle a réussi à en faire une force, et à construire ce que nous avons pu connaitre, ne serait-ce que dans les médias, à savoir une des bordels les plus renommés d'Europe, tout en respectant les travailleuses du sexe qui y ont exercé. Et ça, seule une femme, qui plus est ayant connu ce  business de l'intérieur, pouvait le faire. Chapeau bas Madame, et que du bonheur pour la suite! 

Bon, pour la musique, j'étais un peu en galère, je l'avoue, donc j'ai fait comme j'ai pu. 

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