Extrait de mon livre
Image générée avec IA
I)
Naitre femme
A
écouter : Euphonik, Deuxième sexe
« Ma
revendication en tant que femme, c’est que ma différence soit prise en compte,
que je n’ai pas à m’adapter au modèle masculin ». Simone Veil.
« On ne
nait pas femme, on le devient ». Cette citation de Simone de Beauvoir nous
explique qu’être une femme n’est en fait pas un état de nature, mais un concept
que l’on acquière au cours de sa vie… ou pas ! Ah bon ? Oui, je sais,
ce qu’elle voulait dire, c’est que l’on pense que la féminité devrait répondre
à certains codes, à certains principes, certains carcans qu’elle avait la
volonté de déconstruire. Mais alors, selon moi, ce n’est pas le mot
« femme » qu’elle aurait dû employer. Je ne suis pas d’accord avec
Simone de Beauvoir, et pas uniquement sur cette affirmation d’ailleurs. Mais
pourquoi ici je m’oppose à cette phrase ?
Je suis née
femme. C’est quoi être une femme ? Lorsque j’étais encore dans le ventre
de ma mère, jusqu’à la septième semaine de grossesse, je n’étais encore qu’un
être sans caractères de genre. Puis, par une intervention formidable de la
nature (ou d’une divinité, pour ceux qui croient), j’ai eu dans mon ADN, deux
chromosomes dans ma 23ème paire qui ont été de type XX. C’est un peu
à pile ou face, cette histoire, car il s’en est fallu de peu, finalement, pour
que j’ai un jour de la barbe, que je sois dotée d’un pénis et que l’on
m’appelle monsieur dans ma vie future. Il aurait juste fallu que mon deuxième
chromosome soit un Y et j’aurais appartenu au « sexe fort ».
Mais non,
c’est comme ça, mes parents ont accueilli une fille en « cadeau »
(notez les guillemets, je suis tout à fait consciente d’être une plaie). Mais
alors, certains vont me dire que si j’estime que l’on nait femme, je rejette
totalement les personnes transgenres, hommes de naissance, qui sont devenues
femmes ? pas du tout, il arrive parfois que la nature se trompe, et que le
cerveau, la psyché soit féminine, et que le corps soit masculin. Ou
inversement. Il arrive aussi que la nature, parfois, glisse un petit troisième
chromosome au passage, ce qui donnera sur le caryotype une paire numéro 23, qui
n’ira pas par deux, mais par 3, et fera une paire non pas par deux, mais par
trois, en formant un XXY. Où est le drame ? Je n’en vois pas, c’est très simple
aussi, que ce soit pour l’identité des personnes transgenres ou le fait de
naitre femme. Mais je ne suis pas du tout légitime à parler des personnes
transgenres, puisque je suis une femme cisgenre, et bien que j’aie des femmes
transgenres comme amies, je ne peux pas exprimer à leurs places.
Donc, je
suis née femme. Quand je suis sortie par césarienne à 7 mois et une semaine, l’obstétricien
a pu constater, bien avant ma mère qui était dans le brouillard, que j’avais
donc une vulve, que j’étais un peu plus petite qu’un petit garçon né prématuré,
lui aussi, que je devais être un peu plus légère. Pour le reste de mon
anatomie, on ne fait pas encore la différence entre une petite fille et un
petit garçon.
Il faudra en effet attendre ma puberté pour
que mon corps se féminise, que mes hanches s’arrondissent, que mon bassin
s’élargisse, que ma poitrine se développe, et que j’ai mes règles. Là, effectivement, on pourra faire une nette
distinction entre la jeune fille et le jeune garçon qui, quant à lui, se verra
muer, aura de la barbe qui poussera, sa musculature qui s’affirmera et se
réveillera un matin avec l’envie soudaine de vite changer ses draps.
Point barre. Logiquement, l’histoire aurait
dû s’arrêter là. Nous sommes de deux sexes différents, mais est-ce que c’est ce
qui va réellement déterminer notre identité ? Est-ce que les garçons sont
réellement plus violents, ou est-ce que c’est leur éducation qui les pousse à
l’être ? Est-ce que les filles seraient plus calmes et plus douces, ou
est-ce que c’est la société qui attend de nous cette nuance féminine ?
Dès la
maternité, après m’avoir déclaré de sexe féminin sur le livret de famille, on
m’a donc donné un prénom féminin (que j’aime bien quand même), et c’est ce qui
allait déterminer ma vie entière.
Quelques
temps plus tard, on a appelé un rabbin, comme pour tous les bébés juifs, afin
de me présenter à D… (Je ne peux pas écrire son nom en rapport à ma religion).
Si j’avais eu un phallus, l’homme de foi aurait pratiqué ma circoncision. Pour
le coup, je ne le savais pas encore, mais j’étais bien contente de mes petits
chromosomes XY, finalement ! Non, pour moi, le savant religieux a pratiqué
le Simhath Bat, une nomination, puisqu’il n’y avait rien à couper. Mais ce
serait aussi, en contrepartie, une fête beaucoup moins importante, car je
n’étais « qu’ » une fille. L’offrande pécuniaire faite à Monsieur le
rabbin serait aussi, moins importante, comme le veut la tradition, comme si mon
vagin me rendait moins indispensable aux yeux du Tout-puissant.
Et encore, j’ai bien de la chance, car je suis
née dans une famille juive libérale. Chez ceux qui pratiquent l’orthodoxie dans
ma religion, il n’y a aucune fête prévue pour celles qui appartiennent au même
sexe que moi. Et, ma religion a au moins l’avantage de se transmettre par la
mère, parce que pour d’autres croyances, tout juste si on ne se met pas à
pleurer d’avoir eu « encore ! » une fille.
Ca aurait pu
être mieux, si j’étais née dans une famille chrétienne, on m’aurait offert au
bout de quelques temps un petit arrosage à l’eau bénite, et ce, en ne tenant
pas compte de mon genre.
Mais ça
aurait pu être pire, car j’aurais pu naitre en Chine, en pleine politique de
l’enfant unique et me retrouver abandonnée au bord d’une route dès ma
naissance, parce que, quitte à en n’avoir qu’un, autant que ce soit un petit
gars qui assurera à ses parents un régime de retraite qui n’existe pas de
manière institutionnelle.
Ou j’aurais
pu naitre en Inde, et me faire étouffer, noyer ou étrangler dès ma venue sur
Terre, dès lors où on aurait constaté qu’il me manquait un appendice entre les
jambes. Ben oui, comme il faut doter les filles au moment de leur mariage,
autant régler le problème à la source !
Je n’avais
pas encore conscience de tout cela, à l’heure où je me contentais de me faire
applaudir quand j’ai commencé à expédier mes besoins naturels dans un pot, et
non plus dans une couche.
Je n’ai pas
eu non plus de suite le recul nécessaire pour faire le constat amer que les
filles et les garçons étaient éduqués différemment, que ce soit dans ma famille
ou dans une autre. Je prendrais conscience de tout cela bien des années après,
et je ne manquerai pas, bien entendu de vous l’évoquer au cours de cet ouvrage.
Néanmoins,
j’ai quand même vite flairé l’arnaque, voyez-vous. Lorsque j’ai eu mes règles à
l’âge de 10 ans et demi, j’ai souffert, cela va de soi, car c’était douloureux.
Mais ça, on ne peut pas lutter, c’est la Nature qui le veut ainsi. En revanche,
quand j’allais chez mes grands-parents et que j’étais indisposée, je n’avais
pas le droit de toucher à une nourriture autre que la mienne, car j’étais Niddah,
impure. Eux pratiquaient le judaïsme de manière plus stricte et respectaient
donc ce précepte, tout comme celui du Shabbat, sans se demander si ce n’était
pas une discrimination faite à la femme, ma grand-mère ayant toujours dormi
dans un lit séparé quinze jours par mois lorsqu’elle était encore en âge d’être
fécondée. Il fallait être bien certain, en attendant sept jours après le sang,
que la femme ne présentait plus aucune souillure. Oui, une souillure !
C’est comme ça que l’on se représente ce qui permettra à une femme de pouvoir
donner la vie ! Et dans les temps plus anciens, tout ce qu’une femme juive
touchait durant son cycle devait être lavé. Saviez-vous que nous nous lavons,
les mains, et le reste, aussi pendant nos règles ?
Mais il y a
toujours pire, certaines jeunes adolescentes reçoivent une baffe en guise de
cadeau lors de leur première règle. Et bim ! Bienvenue dans le monde
féminin ! Voilà comment devenir une femme, ça aurait peut-être plu à Mme
de Beauvoir, qui sait ?
Mais je ne
me plains pas, là non plus ! Si j’avais été Népalaise et mariée, j’aurais
du quitter le foyer conjugal lorsque mon corps était dans sa mauvaise période.
Tu as tes règles ? Vas dormir dans le jardin ! J’aurais été
bolivienne, je n’aurais pas eu le droit de me laver 4 ou 5 jours par mois, ce
qui, en plus d’être carde, car nous transpirons plus, et nous portons l’odeur
du sang entre les cuisses, occasionnerait des cancers de l’appareil génital à
long terme !
Mais je
savais que cette période du mois était normale, contrairement à d’autres choses
qui m’ont mise en rogne, sur le moment même, que j’ai pris telle une injustice
et à juste titre. Vous connaissez la prière du matin chez les juifs ?
Parmi plusieurs invocations à réciter, l’homme israélite doit dire :
« Bénit sois-Tu de ne pas m’avoir fait femme », tandis que la femme
récitera : « Bénit soit celui qui m’a faite selon ma volonté. ».
Quand vous êtes une jeune fille qui apprend sa religion, comment voulez-vous le
prendre ? Pour ma part, mal ! Alors, toutes les femmes juives se sont
adaptées à réciter cela et à entendre les membres masculins de leur famille à
énoncer cela, mais je crois que je n’ai jamais voulu intégrer cela. Certains
savants religieux donnent des explications selon laquelle une femme serait plus
à l’image de celui dont nous ne pouvons pas écrire le nom, car elle donne la
vie, mais je crois que c’est en fait pour mieux nous faire avaler la pilule !
A un moment
donné, tous ces dogmes stigmatisants pour la femme ont même manqué de me faire
perdre la foi, car comment une entité si parfaite, censée être supérieure à
nous, pouvait être misogyne à ce point ? Et comment les femmes qui
respectent ces dogmes machistes peuvent les appliquer sans sourciller ?
Elles ont simplement intégré, selon moi, que ce n’était pas autrui le problème,
ce en qui ou en quoi elles croient, mais elles-mêmes. Être née femme est ainsi
une malédiction, quelque chose qui, dans toutes les religions que je connaisse
nous rende systématiquement coupable du seul fait de notre naissance.
Et j’ai bien
vite compris que ce n’était pas ni D., ni la ou les religions le problème,
c’est ce que les hommes en ont fait. Oui, les hommes, avec un H minuscule, donc
pas la race humaine, mais les individus de sexe masculin. Ne nous leurrons pas,
par qui ont été rédigé les écrits religieux ou, en tout cas leurs
interprétations ? De quel sexe sont les curés, les imams, les rabbins, les
moines bouddhistes ?
Ce n’est pas
notre Créateur, alors qui aurait posé comme principe que la femme serait
inférieure à l’homme, mais l’homme qui en a tiré bien des avantages au cours de
l’Histoire. Certains me diront qu’il suffit de ne pas croire. Déjà, ce n’est
pas chose aisée, car pour ma part, étant consciente de tout cela, je reste et
je demeure fondamentalement croyante, même si je ne pratique pas. J’ai tout de
même toujours le cœur et la conscience tournés vers un être qui serait
supérieur à la race humaine, justement dénué de ces considérations de
différenciation entre les genres.
Et puis, ce
serait oublier que les premières règles de droit nous proviennent de la
religion, quelle qu’elle soit. En effet, même quand un pays se revendique laïc,
comme la France, il y a toujours une emprunte religieuse. Sur notre territoire,
il ne faut pas oublier que la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne s’est
opérée de manière législative qu’en 1905, et qu’on ne peut pas balayer d’un
revers de la main 1000 ans de christianisme en à peine un peu plus d’un siècle.
Votre maison d'édition(ça sonne plutôt pas mal) avait envoyé un mail pour signifier qu'ils partageaint 10 pages de votre livre. Le début de votre ouvrage donne le ton, à voir pour la suite.
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